La rupture brutale dans les relations commerciales établies
Un jour, plus de nouvelle, ou un bref message, annonçant que tout est fini à partir…d’aujourd’hui. Vous réalisez que vous n’avez rien anticipé, pas de contrat, ou pire, un contrat mais qui prévoit la possibilité de rompre du jour au lendemain.
Et pourtant vous disposez d’un recours en dommages intérêts. Soyons clairs, nous parlons de rupture brutale…de relations d’affaires, et de l’article L 442-6 du Code de Commerce :
« I. – Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou artisan :
5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. (…) Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. »
Conçu à l’origine pour prévenir les déréférencements sauvages de fournisseurs par la grande distribution, les praticiens se sont emparés de ce texte pour l’étendre aujourd’hui à pratiquement tous les acteurs de la vie économique, et toute activité de vente, production, ou prestation de service, à l’exception seulement des activités à but non lucratif, de certaines professions réglementées, telles que les médecins, les avocats ou les notaires, et des consommateurs.
Pour bénéficier de cette protection, la relation d’affaire doit être établie, c’est-à-dire avoir été régulière, significative et stable dans le temps. Peu importe alors qu’elle ait été encadrée par un contrat, par plusieurs contrats successifs, ou qu’elle se soit matérialisée simplement par une succession de commandes ponctuelles.
Cette condition étant remplie, il ne peut être mis fin à la relation commerciale qu’après un préavis écrit suffisant, dont la durée est notamment fonction de l’ancienneté et de l’importance de la relation, mais également de l’état de dépendance économique du partenaire, du temps nécessaire à ce dernier pour se réorganiser, ou du montant des investissements irrécupérables. Si les parties sont liées par un contrat qui a fixé un délai de préavis, et c’est là la principale caractéristique de ce dispositif, le juge doit malgré tout examiner si ce préavis est suffisant, et peut à défaut accorder une indemnisation alors même que le contrat aura été respecté !
La rupture sans préavis n’est pas fautive en cas d’inexécution suffisamment grave par le partenaire de ses obligations, ou en cas de force ajeure. De même il a été jugé dans le contexte de la crise économique de 2008, qu’une entreprise subissant une diminution de ses propres commandes ne ouvait se voir reprocher de rompre en conséquence une relation établie.
Lorsqu’elle est fautive, la rupture brutale engage la responsabilité civile de son auteur. Elle est alors réparée par l’allocation d’une indemnité correspondant à la perte de marge (chiffre d’affaires – charges variables) calculée sur la durée du préavis qui aurait dû être observé.
Le juge peut par ailleurs ordonner la poursuite des relations commerciales pendant la durée qu’il fixe.
Relevons que seuls huit tribunaux en France sont compétents pour juger de ce type d’action, dont le Tribunal de Commerce de NANCY.
Terminons en rappelant que le principe reste la liberté de rompre une relation commerciale, mais en cas de relation établie il convient donc d’être prudent et d’accorder à son partenaire un délai suffisant pour se réorganiser. Evidemment, la durée de ce préavis n’est pas toujours aisée à déterminer, il conviendra alors de prendre conseil !